Portrait littéraire #9 : Régine Joséphine

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∗Accompagné d’un jeu littéraire de Cadavre Exquis (variante)∗ 

RÉGINE JOSÉPHINE : 

« Bouillonnante à l’intérieur » 

Née sous le soleil de la Martinique, Régine Joséphine a grandi en Alsace, puis exercé le métier d’institutrice en région parisienne. Son premier roman « Les Rebelles de l’Enki-Ea » est paru aux éditions Milan en 1997. Depuis, elle a publié une trentaine d’albums et de romans pour la jeunesse chez différents éditeurs. Régine intervient dans les écoles et les bibliothèques pour des rencontres et divers ateliers. Je vous invite à découvrir son

Portrait littéraire et pas que…

Le(s) mot(s) qui vous définit (définissent) le mieux…

On me dit calme et réfléchie. Je me dis bouillonnante à l’intérieur, pleine de doutes et toujours à la recherche d’une certaine sérénité.

Ecrire pour vous c’est…

Un besoin, une évasion. Une envie de voir les hommes plus fraternels, plus joyeux et plus doux. Voilà pourquoi écrire est pour moi un refuge car dans le monde de la fiction, tout peut toujours s’arranger et les gens ont toujours quelque chose de beau en eux.

Vos influences littéraires/artistiques…

Comme tout le monde, je suis certainement influencée par les œuvres que j’aime, mais je ne cherche pas à m’appuyer sur elles. J’écris ce que j’ai besoin de dire à tel ou tel moment de ma vie. Cela peut être grave, léger, humoristique, irréel. L’écriture est pour moi la meilleure manière de communiquer ce que je ressens devant un événement.

Vous puisez votre inspiration…

Ce serait si facile de créer un livre ou un tableau si je savais exactement où je puisais mon inspiration. Il me suffirait d’y aller et de me mettre au travail. Pour moi, les histoires sont partout, dans un événement, dans une image, dans une rencontre, dans une musique. L’inspiration consiste à choisir de les transformer en écrit (ou en une autre œuvre artistique)… ou pas !

Vous écrivez pour les enfants/les jeunes parce que…

Je n’ai pas choisi d’écrire pour les enfants. Selon mes lecteurs, les livres que j’ai déjà écrits parlent autant aux enfants qu’aux adultes. Mais peut-être que les adultes ont plus de mal à admettre qu’ils lisent et aiment des livres mettant en scène des enfants ?  Je n’aime pas trop cloisonner la littérature. Nous devrions lire ce que nous aimons sans chercher à catégoriser nos lectures. Juste accepter ces voyages, les apprécier et les partager quels qu’ils soient.

Vos personnages naissent…

D’un mot, d’un nom, d’une personne, d’un trait de caractère… D’un sourire ou d’un regard aussi…

Votre plus beau souvenir en tant qu’autrice…

Justement, certains de mes plus beaux souvenirs se rapportent à des adultes lecteurs . Le premier, c’est un jeune homme, sourd-muet, qui pleurait d’émotion en lisant l’un de mes albums Les mains qui dansent et qui m’a écrit sur un morceau de papier « C’est exactement ça ! ». Je me souviens également d’un autre monsieur, plus âgé celui-là, avec qui j’ai discuté une bonne heure sur un salon, et qui en partant a voulu m’offrir un objet qu’il considérait comme extrêmement précieux et qu’il portait toujours sur lui, dans son portefeuille : une feuille de l’arbre sous lequel, selon la légende, Bouddha se serait assis. J’ai trouvé son geste profondément touchant.

Le livre à offrir à tout le monde…

J’aurais un peu de mal à offrir le même livre à tout le monde. Celui qui m’apporte beaucoup, peut tout simplement déplaire à quelqu’un d’autre. Nous sommes tous si différents. Si je devais offrir le même livre à tout le monde, je pense que j’offrirais un livre blanc, sans mots, sans images, sans histoires. Et ce serait à celui qui le reçoit de le remplir avec ce qu’il aime.

Votre lecture-refuge…

Il y en a deux : L’Alchimiste de Paulo Coelho, et Le Peintre et les Cygnes Sauvages de Claude Clément et Frédéric Clément. Un livre « adulte » et un album « enfant » qui parlent l’un et l’autre de la connaissance de soi sur un mode différent mais tout aussi profond.

Votre rêve le plus extravagant…

Que pour tout le monde la vie soit une vraie BELLE aventure, comme dans les livres que j’aime.

Un petit mot pour vos lecteurs/lectrices…

Savourez les livres (mes livres aussi je l’espère) encore et encore. Ils ne vous abandonneront jamais.

Merci beaucoup, Régine,  pour vos réponses en tous points passionnantes et bonne continuation dans tous vos projets littéraires !

Et en bonus, un jeu du cadavre exquis pour tous les participants de la série de portraits littéraires/artistiques. Voici la contribution de Régine Joséphine (en rouge).

Le cadavre exquis

« Le soleil brillait sur le paysage  vallonné, caressait les vignes de ses rayons et fixait de son œil jaune la scène du crime.

— Se peut-il que ce cadavre soit exquis ? murmura le soleil.

— Il se peut, lui répondit un petit oiseau perché sur le corps frêle, celui-là l’est assurément.

Et le bec replongea au cœur de l’abdomen frétillant d’insectes et de fruits mûrs. Des grappes de raisins et des amas de figues noires recouvraient le délicieux petit cadavre. 

L’oiseau picora la cage thoracique. En becquetant un pépin de figue, il perça le cœur du cadavre. Un filet de vapeur s’en échappa en chuintant, faisant fuir le volatile à tire d’ailes. C’est ainsi que l’âme s’échappa du corps. Elle s’étira, tournoya, profitant de l’air si doux de cette fin de matinée. Elle aurait volontiers batifolé entre les vignes, voletant de-ci, de-là. Mais elle se re-condensa avec soin. L’heure n’était pas à l’éparpillement. Car d’autres allaient bientôt mourir à leur tour. 

De toute façon, l’âme n’était pas du matin. L’âme n’aimait pas, vraiment pas, qu’on la dérange. Cette âme-là n’était pas une bonne âme. Elle détestait la bonne humeur. Elle pouvait à tout moment filer sous la vapeur. Elle attendit que passe la cavalerie des étourneaux, que le soleil reprenne sa place, bien haut, sur l’écume des nuages, pour rejoindre la départementale 249. 

En planant au-dessus de la route, l’âme en rencontra une autre, une qui venait de quitter un corps à peine tiédi ayant en plein cœur une tache rouge coquelicot, ou rouge brasier ou rouge baiser.

Telles de parfaites ondes magnétiques, les deux âmes réunies se réchauffèrent, elles allaient avoir l’éternité pour faire connaissance…

Et c’est pile à ce moment-là que le vent se mit à souffler, souffler… et sépara méchamment les âmes réunies. Il ne resta au sol que l’âme volatile, de fort mauvaise humeur, songeant qu’elle était mal barrée. Il lui fallait sans tarder trouver une autre demeure si elle ne voulait pas à son tour être emportée dans les airs. C’est alors qu’elle avisa, sur le bord de la route, un jeune garçon en short, et qu’elle fondit sur lui. 

Le garçon fut traversé d’un tremblement furtif, électrique, puis une douce chaleur l’enveloppa. Il resta de longues minutes silencieux, scrutant l’horizon agité de nuages sombres. Le soleil n’apparaissait plus que par petites touches scintillantes, tel un tableau impressionniste. Le jeune garçon serrait dans sa main gauche une petite améthyste qu’il ne quittait jamais en souvenir de sa mère. Il respira profondément et murmura « allons-y ! »

L’améthyste serrée dans son poing, il traversa la départementale déserte à cette heure et alla s’agenouiller près du corps de la femme à la tache rouge baiser, rouge coquelicot ou rouge brasier. Ce corps sans âme était encore tiède. Le jeune garçon leva la tête vers le ciel soudain orageux. Un éclair cingla l’air brûlant. « C’est le moment ! » songea l’enfant. Au loin résonna la sirène d’une voiture de gendarmerie. Il ne disposait plus de beaucoup de temps. Alors d’un geste précis, l’enfant enfonça l’améthyste dans le cœur mort de la femme. Au même moment, un brutal coup de tonnerre déchira l’air électrique. Et les yeux de la morte s’ouvrirent. » 

**Une petite précision concernant le jeu : il s’agit d’une version modifiée du cadavre exquis. L’incipit d’Anne Loyer laissant présager le genre policier, les participants doivent prendre conscience des contributions précédentes. 

Pour voir la bibliographie et le site Internet de Régine Joséphine, cliquez sur l’image au début de l’article ! Voici aussi son blog : http://regine-josephine.blogspot.com/

Pour lire ma chronique de l’album Séquoia écrit par Régine Joséphine (éd. Mazurka 2016), cliquez sur le titre. 

Les dernières parutions de Régine Joséphine :

     


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