- Auteure : Anne-Laure Bondoux
- Éditeur : Gallimard Jeunesse
- Pages : 303
Quatrième de couverture : Bo et Hama travaillent dans la même usine. Elle est ouvrière de jour, lui, forgeron de nuit. Dès le premier regard, ils tombent follement amoureux. Un matin, une catastrophe survient et ils doivent fuir la ville dévastée. Commence alors pour eux un fabuleux périple à travers des territoires inconnus… Mais quand l’ombre a pris la place de la lumière, l’amour suffit-il à nous garder vivants ?
Pourquoi est-ce que je l’ai aimé ? « Nous avions connu des siècles de grandeur, de fortune et de pouvoir. Des temps héroïques où nos usines produisaient à plein régime, où nos villes se déployaient jusqu’aux pieds des montagnes et jetaient leurs ponts par-dessus les fleuves. Nos richesses débordaient alors de nos maisons, gonflaient nos yeux, nos ventres, nos poches, tandis que nos enfants, à peine nés, étaient déjà rassasiés. […] Mais un jour, les vents tournèrent, emportant avec eux nos anciennes gloires. […] Une époque nouvelle commença. Un temps sans panache ni projet, où plus personne (pas même le vieux Melkior) ne devinait l’avenir. »
C’est à cette époque-là, que l’amour est né. Un amour instantané, ardent, incroyable entre Bo et Hama, les deux jeunes ouvriers de l’Usine, la dernière entreprise encore en activité, qui produisait du matériel de guerre. Ils ont osé défier le monde sombre et triste, dépourvu d’espoir, en l’éclairant de la lumière de leur bonheur. C’était un miracle qui éblouissait tous ceux qui ne rêvaient plus. C’était un miracle qui n’a pas duré longtemps car une catastrophe est survenue, détruisant l’Usine et, avec elle, ces pauvres restes de la vie « normale » à qui s’accrochaient encore certaines personnes de la ville. Hama et Bo, non plus, ne sortent pas indemnes de cette catastrophe. Les préjugés se développent particulièrement bien chez les populations saisies par la peur : « Était-ce notre faute si nous avions peur ? » Ce sont ces préjugés emballés par l’incompréhension et la haine, qui font fuir les jeunes amoureux loin, malgré la peur de l’inconnu et du danger, là-bas où une nouvelle vie commence. Car « il faut toujours perdre une part de soi pour que la vie continue ».
En suivant leur chemin, Hama et Bo vont comprendre le sens profond de cette sévère vérité, mais pas seulement. Au cours de leur parcours, ils découvriront, peu à peu, l’importance de la persévérance et de la confiance, la valeur de l’entraide et du partage, les bienfaits des liens avec la terre et la nature, le caractère inévitable de la perte, des sacrifices, de la mort, le pouvoir de la vie et de l’amour. Leur long voyage, enrichi de rencontres, d’apprentissages et de découvertes, est aussi un voyage vers eux-mêmes, au cours duquel ils apprennent à se connaître, à se comprendre, à s’apprivoiser, à reconstituer leur passé pour mieux bâtir leur avenir. Plus tard, Tsell, leur fille, également en recherche des mystères de son passé, va poursuivre sa quête identitaire sur la même voie, mais dans le sens inverse, pour boucler cette chronique familiale avec un nouvel espoir, avec un nouveau début, et avec un grand amour aussi.
Voici un roman absolument fabuleux, complexe, mystérieux. Anne-Laure Bondoux nous surprend à nouveau avec la force de son talent qui sait exposer toute la richesse des mots et des phrases. L’écriture extrêmement ciselée, chaque détail très soigné, le langage poétique, hautement symbolique, la fluidité berçante du récit, l’expressivité des émotions et des sentiments – ce sont ces éléments qui font de ce livre un tableau inoubliable. Ou plutôt, un théâtre d’ombres, avec des décors et des personnages délicatement découpés et présentés d’une manière exceptionnellement intrigante. Invités discrètement dans ce conte intemporel, nous ne nous doutons pas au début quel genre d’expérience va nous procurer cette aventure de l’ombre et de la lumière : avec Bo et Hama, puis avec Tsell et Vigg, nous passerons du bruit au silence, du connu à l’inconnu, du visible à l’invisible pour faire se rencontrer le passé et l’avenir, pour apprivoiser nos propres « ombres », pour commencer une nouvelle époque, pour comprendre ce que veut dire « être vivants ».
Une expérience littéraire puissante, un conte entre le rêve et le réel, un spectacle de la misère et du bonheur, une danse du blanc et du noir – ce roman ne vous laissera pas indifférent. A découvrir absolument !
Mon extrait préféré
-C’est beaucoup mieux que le théâtre de Bo, a rectifié la Tsarine avec un large sourire. Celui-là est composé uniquement d’ombre et de rêve : personne ne peut le détruire.
C’est alors que j’ai compris qui j’étais. J’étais l’enfant de l’amour et de la haine, l’enfant maudite du forgeron et de la femme sans mains, mais aussi l’enfant perdue dont la communauté avait attendu le retour. J’étais une part vivante de sa mémoire. Et à présent que j’étais revenue, je savais ce que je voulais faire.
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Lecture individuelle |
Il est dans ma PAL, ta belle chronique m’incite grandement à l’en sortir au plus vite ! Merci :)
Merci, Folavril ! Oui, c’est un très beau roman à multiples facettes, à découvrir avec enthousiasme !