∗Accompagné d’un jeu littéraire de Cadavre Exquis (variante)∗
ARNAUD TIERCELIN :
« Drôle, généreux, protecteur et… ayant le don d’ubiquité »
Né dans une cité médiévale en 1981, Arnaud Tiercelin exerce le métier de professeur des écoles en Gironde. Titulaire d’une maîtrise en sciences humaines, il écrit depuis toujours. Il est auteur de plusieurs romans et albums pour la jeunesse, notamment aux éditions l’école des loisirs, du Rouergue, Bulles de savon, Kilowatt, Frimousse… Découvrez cet auteur inventif et musical à travers son
Portrait littéraire et pas que…
Le(s) mot(s) qui vous définit (définissent) le mieux…
Grand, brun, musclé, intelligent, drôle, généreux, rassurant, protecteur, ténébreux, ayant le don d’ubiquité … et donc humble !
Ecrire pour vous c’est…
Une seconde respiration. L’expression va faire sourire mais on n’est pas très loin de la vérité. C’est une façon de poursuivre sa vie. De l’allonger. De la tordre. De l’embellir. De l’inventer. Inventer sa vie, c’est chouette ça, non ? Depuis que j’écris, j’ai dû mourir dix fois, avoir cinquante-quatre frères, soixante-dix-sept cousines, cent-vingt-huit meilleurs amis, je suis devenu un chat, un oiseau, une soupe, une sorcière, un ogre, j’ai bu des litres de potion magique, j’ai traversé les murs, j’ai traversé les mers … j’ai voyagé sur la lune, combattu des dragons, j’ai tout mélangé à mes souvenirs d’enfance … Et tout ça, sans bouger de chez moi …
Vos influences littéraires/artistiques…
Oh ! En littérature, il y en a plein … Mais elles viennent surtout de la musique. D’abord, il y a eu Brassens. Parce que ma mère l’aimait bien. J’ai tout de suite aimé son phrasé. Sa petite mécanique. Sa rythmique. Et puis, plus tard, le rap. IAM, par exemple, je me souviens bien. Le débit. La façon d’articuler. De porter sa voix. Et ça m’est toujours resté. Ecouter la musique interne des mots. Et lire à voix haute. C’est d’ailleurs comme ça que je travaille. En lisant encore et encore et encore la même phrase. Jusqu’à obtenir un La mineur …
Vous puisez votre inspiration…
En regardant le ciel, le mouvement d’une branche, en écoutant une chanson de Nick Drake, en lisant un roman d’Arnaud Cathrine, en marchant dans la rue, en suivant le courant de la Dordogne en bas de ma rue, en ramassant des cailloux avec mes enfants, en découvrant le travail d’un illustrateur, en jouant au Mölkky !
Vos personnages naissent…
Presque toujours après le décor … D’abord, j’ai le paysage. Ou la couleur. Ou le parfum. Ou la note. Et puis, j’en vois un qui me fait signe … C’est un personnage. Et que fait-il là ? Pourquoi est-il là ? Que va-t-il me raconter ? Qu’a-t-il à dire ? Je l’écoute murmurer ou crier ou pleurer ou rire.
Vous écrivez pour les enfants parce que…
Parce que j’aime les auteurs pour la jeunesse ! J’avais dit cela un jour dans le train à des amis auteurs en revenant d’un salon. C’était sur le ton de la plaisanterie. Mais ce n’était qu’une demi-plaisanterie. J’aime les univers. Des auteurs. Des illustrateurs. Et en littérature de jeunesse, on découvre vraiment des univers particuliers. Chargés de poésie, de tendresse, d’humour, de mystère … Voilà, pourquoi j’écris. Pour trouver mon univers. Ma note. Ma respiration.
Votre plus beau souvenir en tant qu’auteur…
Impossible à choisir ! Peut-être un des premiers. Le mail de Geneviève Brisac me proposant de publier mon premier roman. C’était en 2008 … J’ai dû mettre trois jours à m’en remettre.
Votre lecture-refuge…
Passer l’hiver d’Olivier Adam. Ce sont des nouvelles et c’est beau et triste et profond comme la nuit.
Le livre à offrir à tout le monde…
Quelqu’un qu’on aime de Séverine Vidal parce que c’est un livre tellement fort ! J’ai dû le conseiller 2387 fois depuis qu’il est sorti en librairie !
Votre rêve le plus extravagant…
Enregistrer mon album de chansons ! (encore faut-il que je me mette très sérieusement à la guitare …)
Un petit mot pour vos lecteurs/lectrices…
Merci à vous d’être là et de suivre mes aventures !
Merci beaucoup, Arnaud, pour vos réponses en tous points passionnantes et bonne continuation dans tous vos projets littéraires !
Et en bonus, un jeu du cadavre exquis pour tous les participants de la série de portraits littéraires/artistiques. Voici la contribution d’Arnaud Tiercelin (en noir).
Le cadavre exquis
« Le soleil brillait sur le paysage vallonné, caressait les vignes de ses rayons et fixait de son œil jaune la scène du crime.
— Se peut-il que ce cadavre soit exquis ? murmura le soleil.
— Il se peut, lui répondit un petit oiseau perché sur le corps frêle, celui-là l’est assurément.
Et le bec replongea au cœur de l’abdomen frétillant d’insectes et de fruits mûrs. Des grappes de raisins et des amas de figues noires recouvraient le délicieux petit cadavre.
L’oiseau picora la cage thoracique. En becquetant un pépin de figue, il perça le cœur du cadavre. Un filet de vapeur s’en échappa en chuintant, faisant fuir le volatile à tire d’ailes. C’est ainsi que l’âme s’échappa du corps. Elle s’étira, tournoya, profitant de l’air si doux de cette fin de matinée. Elle aurait volontiers batifolé entre les vignes, voletant de-ci, de-là. Mais elle se re-condensa avec soin. L’heure n’était pas à l’éparpillement. Car d’autres allaient bientôt mourir à leur tour.
De toute façon, l’âme n’était pas du matin. L’âme n’aimait pas, vraiment pas, qu’on la dérange. Cette âme-là n’était pas une bonne âme. Elle détestait la bonne humeur. Elle pouvait à tout moment filer sous la vapeur. Elle attendit que passe la cavalerie des étourneaux, que le soleil reprenne sa place, bien haut, sur l’écume des nuages, pour rejoindre la départementale 249. »
**Une petite précision concernant le jeu : il s’agit d’une version modifiée du cadavre exquis. L’incipit d’Anne Loyer laissant présager le genre policier, les participants doivent prendre conscience des contributions précédentes.
Pour voir la bibliographie et le site Internet de l’auteur, cliquez sur l’image au début de l’article !
Pour lire ma chronique du roman Ka maté, patate ! écrit par Arnaud Tiercelin, cliquez sur le titre du livre.
Découvrez les dernières parutions de l’auteur :