Portrait littéraire/artistique #8 : Elsa Oriol

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∗Accompagné d’un jeu littéraire de Cadavre Exquis (variante)∗ 

ELSA ORIOL : 

« Electron libre » 

Elsa Oriol, peintre et autrice-illustratrice française, est bien connue dans la littérature jeunesse. Après des études dans plusieurs domaines de l’art, elle a travaillé une dizaine d’années en tant qu’architecte d’intérieur avant de se tourner définitivement vers la peinture et l’illustration. Elsa a publié de nombreux albums chez différents éditeurs, notamment chez Kaléidoscope, Utopique et l’Étagère du bas. Je vous invite à découvrir son

Portrait littéraire et pas que…

Le(s) mot(s) qui vous définit (définissent) le mieux…

Oh c’est si difficile d’être objectif envers soi-même… Je dirais que je suis un peu « électron libre ».

Dessiner pour vous c’est…

Avant tout une discipline, mais aussi une liberté, un langage universel.

Vos influences artistiques…

Comme c’est la peinture qui m’a amenée à l’illustration – avec une prédilection pour la matière – ce qui me touche initialement ce sont des peintres figuratifs (entre autres, Toulouse-Lautrec, Lucian Freud, Maurice Denis…). Plus tard, j’ai vu s’épanouir un style « très peinture » en littérature jeunesse avec des illustrateurs comme Nathalie Novi, François Roca, Anne Brouillard, et bien sûr Nadja. Ça m’a confirmé que c’était une voie possible…

Vous puisez votre inspiration…

Dans l’enfance, dans un fragment d’image, dans une atmosphère, mais surtout dans le calme et la concentration.

Vous illustrez pour les enfants parce que…

Ça parle de la vie de façon poétique et colorée.

Le meilleur moment pour dessiner ou créer…

Quand j’ai bien avancé dans mes devoirs parallèles (mails, administratif…), et que la journée m’offre sa lumière naturelle… Soit tous les jours de la semaine week-end compris !

Votre plus beau souvenir en tant qu’illustratrice…

La toute première fois qu’une éditrice m’a commandé un album pour de vrai (Isabel Finkenstaedt des éditions Kaléidoscope).

Vos couleurs préférées sont…

Les primaires, juste 3 couleurs qui permettent d’en faire plein d’autres, et le blanc que j’aime de plus en plus !

Votre lecture-refuge…

Les parcours d’artistes sont riches d’enseignement, de Camille Claudel à Patti Smith avec son sublime Just Kids, ou les entretiens de Francis Bacon par David Sylvester. Ça dit à quel point choisir la voie artistique est complexe, contrairement aux idées reçues. Enfin, j’aime tous les livres que l’on peut ouvrir au hasard et trouver une étincelle.

Votre rêve le plus extravagant…

Celui de pouvoir comprendre et parler plusieurs langues couramment.

Un petit mot pour vos lecteurs/lectrices…

Rencontrer l’enthousiasme de lecteurs qui vous découvrent lors de Salons ou suivent votre travail depuis plusieurs années est toujours émouvant. Merci, mille fois merci pour votre bienveillance, vous me donnez envie de  progresser à chaque album !

Merci beaucoup, Elsa,  pour vos réponses en tous points passionnantes et bonne continuation dans tous vos projets artistiques !

Et en bonus, un jeu du cadavre exquis pour tous les participants de la série de portraits littéraires/artistiques. Voici la contribution d’Elsa Oriol (en bleu).

Le cadavre exquis

« Le soleil brillait sur le paysage  vallonné, caressait les vignes de ses rayons et fixait de son œil jaune la scène du crime.

— Se peut-il que ce cadavre soit exquis ? murmura le soleil.

— Il se peut, lui répondit un petit oiseau perché sur le corps frêle, celui-là l’est assurément.

Et le bec replongea au cœur de l’abdomen frétillant d’insectes et de fruits mûrs. Des grappes de raisins et des amas de figues noires recouvraient le délicieux petit cadavre. 

L’oiseau picora la cage thoracique. En becquetant un pépin de figue, il perça le cœur du cadavre. Un filet de vapeur s’en échappa en chuintant, faisant fuir le volatile à tire d’ailes. C’est ainsi que l’âme s’échappa du corps. Elle s’étira, tournoya, profitant de l’air si doux de cette fin de matinée. Elle aurait volontiers batifolé entre les vignes, voletant de-ci, de-là. Mais elle se re-condensa avec soin. L’heure n’était pas à l’éparpillement. Car d’autres allaient bientôt mourir à leur tour. 

De toute façon, l’âme n’était pas du matin. L’âme n’aimait pas, vraiment pas, qu’on la dérange. Cette âme-là n’était pas une bonne âme. Elle détestait la bonne humeur. Elle pouvait à tout moment filer sous la vapeur. Elle attendit que passe la cavalerie des étourneaux, que le soleil reprenne sa place, bien haut, sur l’écume des nuages, pour rejoindre la départementale 249. 

En planant au-dessus de la route, l’âme en rencontra une autre, une qui venait de quitter un corps à peine tiédi ayant en plein cœur une tache rouge coquelicot, ou rouge brasier ou rouge baiser.

Telles de parfaites ondes magnétiques, les deux âmes réunies se réchauffèrent, elles allaient avoir l’éternité pour faire connaissance…

Et c’est pile à ce moment-là que le vent se mit à souffler, souffler… et sépara méchamment les âmes réunies. Il ne resta au sol que l’âme volatile, de fort mauvaise humeur, songeant qu’elle était mal barrée. Il lui fallait sans tarder trouver une autre demeure si elle ne voulait pas à son tour être emportée dans les airs. C’est alors qu’elle avisa, sur le bord de la route, un jeune garçon en short, et qu’elle fondit sur lui. 

Le garçon fut traversé d’un tremblement furtif, électrique, puis une douce chaleur l’enveloppa. Il resta de longues minutes silencieux, scrutant l’horizon agité de nuages sombres. Le soleil n’apparaissait plus que par petites touches scintillantes, tel un tableau impressionniste. Le jeune garçon serrait dans sa main gauche une petite améthyste qu’il ne quittait jamais en souvenir de sa mère. Il respira profondément et murmura « allons-y ! »

**Une petite précision concernant le jeu : il s’agit d’une version modifiée du cadavre exquis. L’incipit d’Anne Loyer laissant présager le genre policier, les participants doivent prendre conscience des contributions précédentes. 

Pour voir la bibliographie/les expos et le site Internet de Elsa Oriol, cliquez sur l’image au début de l’article !

Pour lire ma chronique de l’album La musique de Rose illustré par Elsa Oriol (éd. Utopique 2017), cliquez sur le titre. 

Les dernières parutions d’Elsa Oriol :

  


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